Les Parisiens n’aiment rien. Le fait est connu. C’est même à cela qu’on les reconnaît. Et l’objet suprême de leur détestation a pour nom le pigeon, surnommé ici « le rat volant ». Pourquoi tant de haine quand partout ailleurs la colombe est un symbole de paix▪? Esquissons une hypothèse qui vaut ce qu’elle vaut. Entassés à plus de deux millions dans cent cinq kilomètres carrés seulement, les Parisiens ne se supportent pas entre eux et n’aiment pas partager leur écosystème. Or, le pigeon est l’espèce la plus visible à leur disputer leur territoire. Par-delà ces réflexions ironiques, la vidéo de Rémy Artiges, profondément parisienne dans son sujet littéral, pose des questions d’une toute autre ampleur.
Rue du Conservatoire, Paris 2008 est une œuvre paradoxe. Composée de photographies, elle prend la forme animée de la vidéo. Montrant la rigidité cadavérique, elle met en évidence que la disparition est mouvement. Son montage en boucle en fait une métaphore de la succession des générations et donc de la chaîne de la vie. Partant d’images documentaires, Rémy Artiges nous entraîne dans un passage de la réalité à la fiction. Mis en scène rue du Conservatoire, le pigeon exprime le paradoxe du comédien : lui qui ne ressent plus rien, nous fait sentir l’absurdité de la comédie de la vie. Il faut alors convenir qu’en moraliste agnostique, Rémy Artiges use de la fable pour poser des questions graves dont celle de notre commune animalité. Il faudrait encore prendre en considération les multiples métaphores langagières auxquelles le terme « pigeon » donne lieu. On peut songer aux « pigeons de l’année » qui se font « pigeonner ». Situation, il va sans dire, que le Parisien déteste. C’est un Parisien (d’adoption) qui vous le dit.
*Dans cette rue se situe le conservatoire national supérieur d’art dramatique.
Rémi Coignet - Rédacteur en chef de « The Eyes ».
Texte paru dans la revue The Eyes, numéro 5, automne 2015. www.theeyes.eu
Parisians don’t like anything. It is well known. That is how we can recognize one. And the ultimate object of their disgust is for the pigeon, known here as the “flying rat”. Why so much hate when the dove is a symbol of peace? Let’s try a hypothesis for whatever it is worth. With more than two million crammed into only one hundred and five square kilometers, Parisians can’t stand each other and don’t like sharing their ecosystem. Whilst, the pigeon is the most visible species vying for their territory. Beyond these ironic thoughts, the video of Rémy Artiges, profoundly Parisian in its subject matter, asks questions of another sort.
Rue du Conservatoire, Paris 2008 is a paradoxical work. Composed of photographs, it takes the animated form of video. Showing body rigidity, it shows the evidence that disappearance is movement. Edited in a nonstop form it is a metaphor for the succession of generations and thus the chain of life. Starting with documentary images, Rémy Artiges leads us through the passageway from reality to fiction. Using as a stage rue du Conservatoire, the pigeon expresses the comedians’ paradox: he who no longer feels anything, makes us acknowledge the absurdity of the comedy of life. One must then agree that as an agnostic moralist, Rémy Artiges uses fables as a means of asking serious questions such as our common animality. One must also take under consideration the multiple linguistic metaphors of the term pigeon. One can imagine “pigeon de l’année” (numbskull of the year) who are “pigeonner” (screwed). A situation, it goes without saying that Parisians detest. It is a Parisian (by adoption) who says so.
*Situated in this street is the Superior national conservatory of dramatic arts.
Rémi Coignet - Editor in chief of « The Eyes ».
Text published in the review The Eyes, number 5, automne 2015. www.theeyes.eu