Remy Artiges PhotographeRUNGIS

RUNGIS

(1989-2016)

Comme tous les photographes, j’ai mon histoire de négatifs perdus. La mienne commence à la fin des années 80 à Rungis. Quand il ne jouait pas de l’harmonica, James était cuisinier. On habitait ensemble une grande maison, il avait la carte d’accès au MIN il m’y a emmené. Lui pour ses courses, moi pour la photographie, je débutais.

Et Rungis, la nuit. Et puis le pavillon des viandes et une première pour moi, prendre des photos comme on prend la parole, des images rouges sur fond de carrelage blanc, j’étais déjà végétarien.

Quelques mois plus tard, passé jeune assistant, un grand labo parisien prétentieux perdait les négatifs à l’occasion de deux tirages. Ils me dédommagèrent en m’offrant généreusement le contretype de ces derniers. C’est tout ce qu’il m’en resterait, accompagné d’un goût durable d’amer et de manque.

La suite sera pour 2016, à la demande d’un quotidien du matin je retourne à Rungis pour une commande alimentaire. Sans préméditation et avec surprises j’y retrouve tout, à peu près en l’état. Et au regard de la tristesse que cet endroit m’inspire, c’est dans un étrange état de joie et de jubilation, que je me suis réapproprié les images disparues.

Elles sont identiques. Les nouvelles sont peut-être un peu plus élégantes, mais je ne sais pas qui, du métier ou de la joie de les retrouver aura le plus influencé. Parce que sur place, rien n’avait vraiment changé.

Rémy Artiges

Like all photographers, I have my own story of lost negatives. Mine begins at the end of the 1980’s in Rungis. When he wasn’t playing the harmonica, James liked to cook. We lived together in a big house, he had the access badge pour MIN and he brought me along with him. He went to shop, me to take pictures, I was just beginning.

So Rungis, at night. And then the meat building, and me for the first time, taking pictures like one speaks, images, red in front of white tile, I was already a vegetarian.

A few months later, when I became a young assistant, a well known parisian laboratory lost my negatifs while making two prints. They compensated me by offering a few more prints from the originals. That is all that I had left, besides a lasting bitter taste and sense of loss.

The story continues in 2016, when at the request of a daily morning newspaper, I return to Rungis for a photo shoot about food. Without premeditation and with wonder I find everything, more or less in the same state. And despite the sadness this place inspires me it is with a strange state of joy and jubilitation, that I once again made mine the lost images.

They are identical. The new ones are perhaps a bit more elegant, but I don’t know which, experience or the joy of finding them once again, would have had the most influence. Because at this place, nothing had really changed.

Rémy Artiges

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